La récente visite éclair des membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) et du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé dans le quartier de Solino relève moins d’un acte de gouvernance que d’un coup de théâtre politique indécent. Une opération de communication menée sous haute escorte policière, loin de la réalité vécue par une population meurtrie, déplacée et toujours exposée à la menace des gangs.
Il faut rappeler les faits, que les autorités semblent vouloir effacer à coups d’images et de discours rassurants. Solino a été dévasté, vidé de ses habitants et occupé pendant des mois par le gang Viv Ansanm. Des familles entières ont fui sous la terreur, laissant derrière elles maisons pillées, incendiées ou occupées par des hommes lourdement armés. Aucun plan de sécurisation durable, aucune intervention décisive de l’État n’est alors venue protéger ces citoyens abandonnés à leur sort.

Aujourd’hui, parce que ces mêmes bandits ont opéré un repli stratégique, sans avoir été neutralisés, désarmés ni arrêtés, les autorités se présentent sur les lieux comme si la page était tournée. Pire encore, ce sont les gangs eux-mêmes qui auraient demandé à la population de revenir. Et l’État haïtien, au lieu d’imposer son autorité, emboîte le pas à cette logique criminelle, validant de facto le calendrier et les décisions des chefs de gangs.
Dans une scène surréaliste, les responsables de la transition exhortent les habitants à regagner leurs maisons, promettant accompagnement, sécurité et aides matérielles — bois, tôles, ciment. Mais quelle valeur ont ces promesses quand les membres de Viv Ansanm sont toujours en vie, toujours armés, toujours capables de reprendre le contrôle à tout moment ? Qui protégera réellement ces familles une fois les caméras éteintes et les cortèges officiels repartis ?
Cette visite n’était ni courageuse ni responsable. Elle était opportuniste, pensée pour l’image, non pour la sécurité. Une démonstration brutale du décalage entre un pouvoir retranché derrière des blindés et un peuple livré à l’incertitude permanente. En agissant ainsi, le CPT et le Premier ministre donnent le sentiment non seulement d’improviser, mais surtout de se moquer ouvertement de la souffrance du peuple haïtien.
Solino méritait une opération de sécurisation réelle, la neutralisation effective des gangs, un retour encadré et durable des déplacés, et une reconstruction planifiée. À la place, les autorités offrent une illusion de normalité, bâtie sur le sable mouvant de l’insécurité.
Ce n’est pas de communication dont Haïti a besoin, mais de vérité, de fermeté et de respect. Tant que l’État préférera la mise en scène à l’action, chaque visite officielle dans les quartiers meurtris restera ce qu’elle est aujourd’hui : une mascarade de plus sur le dos d’un peuple abandonné.
JEAN LOUIS FANFAN.

