Bois Caïman, lieu sacré de la révolte des esclaves et berceau de la liberté haïtienne, est aujourd’hui menacé par un projet cynique porté par Gary Denis, directeur général du ministère de la culture avec le soutien de la Léoganaise et chanteuse , Carole Demesmin, au mépris total des habitants du Nord et des protecteurs de ce site historique. Ce projet vise à installer un comité fictif, excluant les gardiens de la mémoire qui veillent sur cet espace depuis plus de vingt-cinq ans, pour en faire un espace de divertissement lucratif.
Sous prétexte de valorisation culturelle, ce comité cherche à imposer des organisations de l’Artibonite pour diriger Bois Caïman, effaçant ainsi l’ancrage territorial et spirituel du Nord dans cette mémoire. C’est une tentative de détournement historique, une entreprise de folklorisation et de marchandisation qui trahit l’essence même de Bois Caïman.
Ce projet s’inscrit dans une logique plus large de dépolitisation des traditions haïtiennes, déjà visible dans les fêtes champêtres comme celles de Saut-d’Eau, Bas-Limbé ou Plaine-du-Nord. Ces célébrations, autrefois lieux de communion entre les loas et les peuples, sont désormais réduites à des spectacles exotiques pour touristes. Le ministère de la Culture, au lieu de défendre la profondeur spirituelle et historique de ces rites, les instrumentalise pour des intérêts économiques.
Nous demandons aux autorités compétentes d’intervenir immédiatement pour éliminer ce projet bidon porté par Gary Denis et Carole Demesmin. Leur tentative de détruire l’histoire et de confisquer la mémoire du Nord ne passera pas. Bois Caïman n’est pas un terrain de jeu pour les ambitions personnelles ni un produit à vendre. C’est un autel vivant de la résistance, un symbole de dignité et de liberté.
Il est temps de décoloniser les autels, de rééduquer nos enfants, et de refuser la confusion entre fête et oubli. Le peuple haïtien doit se lever pour protéger sa mémoire, et empêcher que Bois Caïman soit transformé en une attraction commerciale déconnectée de son essence.
Organiser des événements à Bois Caïman sans la communauté, c’est plus qu’un oubli c’est un mépris. C’est nier l’âme même de ce lieu sacré, berceau de la révolte, symbole de dignité et de résistance. Bois Caïman n’est pas un décor à louer, ni un espace neutre à exploiter. C’est un territoire de mémoire, un sanctuaire de lutte, un héritage vivant.
Exclure la communauté qui garde ce lieu, qui le fait respirer, qui en connaît les silences et les douleurs, c’est effacer les gardiens de l’histoire. C’est transformer un acte de commémoration en spectacle creux, sans racines, sans respect.
- Fracture sociale : L’exclusion alimente la colère, creuse le fossé entre institutions et citoyens, et détruit la confiance.
- Perte de sens : Un événement sans la voix des premiers concernés devient une mascarade. On célèbre sans comprendre, on honore sans écouter.
- Dévalorisation du patrimoine : En marginalisant ceux qui vivent et protègent ce lieu, on banalise son importance, on le réduit à un simple site touristique.
- Résistance silencieuse : Le mépris engendre la résistance. Mais une résistance blessée, méfiance, qui ne croit plus aux discours, seulement aux actes.
Bois Caïman appartient à la mémoire collective, mais il vit à travers sa communauté. Toute initiative qui prétend honorer ce lieu doit commencer par l’écoute, la consultation, la co-construction.
Ce plaidoyer est un appel :
- À reconnaître la dignité des gardiens de la mémoire.
- À bâtir des événements inclusifs, respectueux, enracinés.
- À comprendre que le mépris est une violence, et que la réparation commence par la reconnaissance.
Bois Caïman ne peut être honoré dans le silence de ceux qui l’habitent.
Et la mémoire ne s’achète pas elle se partage.
Texte de : Elianne Bayard Jumelle.