Port-au-Prince, le 25 juin 2025
Monsieur le Secrétaire général,
Nous vous adressons nos plus chaleureuses félicitations pour votre nomination à la tête de l’Organisation des États américains. Votre longue expérience au service de la région et votre engagement en faveur du dialogue multilatéral nous donnent l’espoir d’une coopération inter-américaine plus efficace et plus solidaire.
En tant qu’acteur majeur de la société civile haïtienne, « Nou Pap Konplis » saisit cette occasion pour appeler votre attention — ainsi que celle de la communauté internationale — sur la crise profonde que traverse notre pays et sur l’urgence d’un accompagnement adapté, ferme et cohérent.
1. Contexte d’une crise multiforme
Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, Haïti s’enfonce dans un enchevêtrement de crises politiques, sécuritaires, économiques et humanitaires :
- Vidage des institutions : deux transitions successives n’ont produit aucun résultat tangible ; les structures de l’État se sont désagrégées.
- Insécurité hors de contrôle : plus de 85 % de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince est sous l’emprise de groupes armés. La police nationale, exsangue, a perdu des centaines d’agents depuis 2021 et voit ses rangs se vider par l’émigration.
- Effondrement économique : fermetures massives d’entreprises, exode de professionnels qualifiés, inflation de 26,8 % (avril 2025, IHSI) et chômage des jeunes à 14,8 % (Trading Economics).
- Crise humanitaire : 1,3 million de déplacés internes (OIM) ; plus de 72 % de la population menacée d’insécurité alimentaire (IHSI) ; système de santé paralysé (80 % des centres hospitaliers dysfonctionnels).
- Justice en lambeaux : tribunaux fermés, prisons pillées ou incendiées ; dernière évasion massive : 529 détenus à Mirebalais.
Ces indicateurs ne sont pas de simples statistiques : ils traduisent la détresse quotidienne de millions d’Haïtiens.
2. Échec patent de la transition actuelle
Le Conseil présidentiel de transition (CPT) dirigé par M. Fritz Alphonse Jean et le gouvernement d’Alix Didier Fils-Aimé n’ont ni la légitimité ni la capacité d’agir : blocage politique, absence de feuille de route crédible et inaction face à la violence armée. La « Mission de soutien à la sécurité » (MSS), bien qu’indispensable, ne suffit pas à renverser la dynamique terroriste.
Dans ces conditions, ni référendum constitutionnel ni élections générales ne peuvent être organisés de façon sûre, libre et transparente.
3. Mise en garde : pas de prolongation de l’accord du 3 avril 2024
Toute initiative visant à proroger ou aménager l’accord du 3 avril — au nom d’un « consensus haïtien » introuvable — ne ferait que valider l’impasse actuelle. Un effondrement total de l’État haïtien aurait des répercussions sur toute la Caraïbe et l’Amérique latine : flux migratoires incontrôlés, trafic d’armes, instabilité régionale.
4. Voie de sortie : une transition de sursaut
Nous appelons de toute urgence à :
- La mise en place d’une autorité de transition resserrée, portée par une personnalité incontestée, dotée d’une haute légitimité morale, en dehors des signataires défaillants de l’accord du 3 avril.
- Un calendrier clair (12-18 mois) visant, dans cet ordre :
- restauration de la sécurité et démantèlement des groupes armés ;
- réhabilitation accélérée des institutions judiciaires et électorales ;
- organisation du référendum et d’élections générales crédibles.
- Un accompagnement international coordonné, sous l’égide de l’OEA, garantissant :
- un appui logistique et financier à la force de sécurité conjointe ;
- un contrôle strict des flux d’armes et de munitions ;
- des sanctions ciblées contre les acteurs alimentant la violence et la corruption.
5. Attentes envers l’OEA et nos partenaires
Nous sollicitons :
- Un engagement politique renforcé de l’OEA pour sortir la transition de l’ornière ;
- Une surveillance permanente des droits humains et du processus électoral ;
- Un fonds spécial de soutien à la réforme de la police, à la justice et à la relance économique locale.
Nous sommes convaincus que votre leadership permettra de mobiliser la volonté collective nécessaire pour restaurer l’espoir, la stabilité et la prospérité en Haïti.
Veuillez agréer, Monsieur le Secrétaire général, l’expression de notre très haute considération.
(Signatures)
Ricardo Fleuridor
Jonathan Renois
Pour l’organisation Nou Pap Konplis